Coincoin

Un LongEze superbement construit stationne devant notre hangar et l’équipe tourne autour en s’extasiant sur son look à la Starwars. 

L’ahuri décide illico d’en faire une maquette volante. Le renard est à quatre pattes dessous et examine la mécanique à vis et écrou du train avant rentrant en déplorant que le principal restât fixe. L’ahuri le rejoint pour examiner l’entrée ventrale d’air de refroidissement. A l’écart le matheux parle chiffres avec le proprio-constructeur. Lulu questionne le moniteur pour savoir si un aussi beau profil n’est pas que du vent…comme la plupart des garçons, ajoute-t-elle avec sa médisance coutumière. 

L’exotique machine repart et tous regardent son décollage … long et pas à l’aise ne peut s’empêcher de persifler Lulu. 

Après le repas du soir, le moniteur, soupçonné de quelques lueurs, est prié d’éclairer l’assistance car le renard a découvert dans les vieilleries du club une photo d’un planeur canard commis par l’ancien. 

Le moniteur s’en sort provisoirement en demandant au matheux d’exposer les chiffres collectés. 

On constate que des architectures classiques contemporaines (le Lancair) et de même motorisation sont plus performantes. Lulu triomphe d’un battement de paupières à l’adresse du moniteur pour l’encourager à poursuivre. 

Il est un admirateur des pionniers qu’il cite d’abondance : 

-Le Wright, le Santos, le Fabre, le Voisin-Colliex … sont des canards… et les deux derniers des hydros. Cette disposition queue en avant (restons corrects murmure Lulu) précéda la queue en arrière de Blériot qui devint majoritaire et classique. 

-Quelle est la raison de cette sélection naturelle? Questionne l’ahuri. 

-Moins d’avantages que d’inconvénients! répond le moniteur qui prend la craie. 

Avantages du plan canard 

Pas de déphasage en tangage. 
Profondeur en air propre. 
Pas de souffle d’hélice sur fuselage. 

Inconvénients 

Forte traînée de stab. 
Sillage de la profondeur sur la racine de l’aile. 
Cz max de l’aile inaccessible.
Faible plage de centrage.
Faible raideur en lacet.
Traînée de culot.

Un brouhaha de questions résonne dans le hangar. Le moniteur demande à la troupe de trouver les réponses évidentes. 

-La profondeur du canard est dans un air sans remous, dit l’ahuri, puisqu’elle est en première ligne ; elle peut donc travailler avec force et précision. Le fuselage sans souffle d’hélice est plus silencieux. 

-Par contre le moteur arrière doit être difficile à refroidir et empêche de finir finement le fuselage qui traîne du cul, précise Lulu. 

-Le rappel en lacet et l’efficacité des dérives sont faibles, dit le renard, puisqu’ aux marginaux elles sont peu en arrière du CG…sauf si on dessine l’aile en flèche pour les reculer…et la flèche est néfaste pour la portance. 

-Le matheux dit: La racine de l’aile est attaquée par dessus par l’air défléchi vers le bas par le stab avant porteur: L’incidence du centre de l’aile est réduite et elle décroche après les extrémités où on perd le contrôle des ailerons. On doit fortement vriller l’aile positivement au centre pour qu’il décroche en premier comme sur toute aile honnête. 

-Lulu dit: Puisque le stab est porteur il traînera plus que le stab neutre d’un classique bien centré. 

-Bravo à tous! Dit le moniteur…et le déphasage ? 

Vous avez vu le Concorde se poser; pour cabrer à l’arrondi il lève ses élevons, ce qui diminue la portance et la machine s’enfonce avant de remonter…à condition que l’augmentation automatique de la poussée par l’auto manette égale l’augmentation de traînée. Sur canard ce retard (déphasage) entre l’action du pilote et son résultat n’existe pas puisqu’ augmenter la portance du plan avant ne diminue pas celle de l’aile : il n’y a pas d’enfoncement. 

Le Cz max est inaccessible sans danger car imaginez que le plan canard soit assez puissant pour amener l’aile au voisinage du décrochage; on risquerait de se retrouver avec toutes les surfaces décrochées sans gouverne efficace (deep stall). On doit donc restreindre l’action à cabrer du plan avant et les vitesses lentes sont moins bonnes que sur classique. 

Enfin vous en déduisez que ce délicat équilibre ne s’accompagne pas de plage de centrage étendue puisqu’au centrage avant il faut un canard puissant qui devient dangereux au centrage arrière (autocabrage)! Les passagers et le carburant doivent être centrés. 

L’assistance est un peu déçue qu’un avion si élégant soit si délicat. 

L’ahuri essaie de défendre les canards en citant les jets qui ont un plan avant: Walkyrie, Viggen, Mirage Suisse, Mirage 4000, Grippen, Eurofighter, Rafale… 

Le moniteur crée la surprise en révélant que seuls les deux premiers sont des vrais canards à plan avant porteur. Les suivants sont des deltas centrés arrière (pour la maniabilité) à plan avant neutre, qui est un équilibreur piloté par ordinateur via une girouette d’incidence et un gyro. On supprime la traînée d’équilibrage mais la panne électrique est fatale! Il ajoute que cette invention (commandée manuellement à l’époque) date des Wright (évolueur) et des Voisin (la planche à pain). 

Lulu conclut en disant que les avions qui vont bien sont souvent beaux mais que les avions élégants sont parfois douteux…comme les garçons! Devant la protestation générale elle se fait adroitement pardonner en proposant une tournée de jus d’ananas.